Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/267

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gens du monde se plaisent à faire combattre les gens de lettres comme des gladiateurs ; il était fier, mais il l'était également avec tous les hommes, n'y trouvant de différence que la vertu. Il aimait les âmes fières : Eh bien ! lui dis-je un jour en riant, vous auriez donc aimé ce jésuite qui répondit à un seigneur espagnol qui voulait le forcer à lui céder le pas : C'est vous qui me devez du respect, à moi qui ai tous les jours votre Dieu dans les mains, et votre reine à mes pieds. Oh ! me dit-il, je connais un trait qui me semble plus fort ; c'est celui d'un ambassadeur nègre, reçu par un gouverneur de Portugal dans une salle où il n'y avait point d'autre fauteuil que celui où il était assis. Quand l'ambassadeur noir fut près de lui, le Portugais lui demanda sans se lever : Votre maître est-il bien puissant ? Le nègre fit aussitôt coucher par terre deux de ses esclaves, s'assit sur leur dos ; puis se recueillant un moment, il dit gravement au gouverneur : Mon maître a une infinité de serviteurs comme toi, cinquante comme le roi ton maître, et un comme moi. À ces mots il se leva, et sortit. Cependant ses esclaves