Page:Oeuvres complètes de Jacques-Henri-Bernardin de Saint-Pierre, Tome 10, 1820.djvu/270

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table ce qui servait à ses plaisirs, on voit que la bonté du cœur lui paraît supérieure à tout. Cette bonté était la base fondamentale du caractère naturel de Rousseau ; il préférait un trait de sensibilité à toutes les épigrammes de Martial. Son cœur que rien n'avait pu dépraver, opposait sa douceur à tout le fiel dont nos sociétés s'abreuvent aujourd'hui. Cependant il aimait mieux les caractères emportés que les apathiques. J'ai connu, me disait-il un jour, un homme si sujet à la colère, que lorsqu'il jouait aux échecs, s'il venait à perdre, il brisait les pièces entre ses dents. Le maître du café voyant qu'il cassait tous ses jeux, en fit faire de gros comme le poing. A cette vue, notre homme ressentit une grande joie, parce que, disait-il, il pourrait les mordre à belles dents. Du reste c'était le meilleur garçon du monde, capable de se jeter au feu pour rendre service.

Rousseau me citait encore un Dauphinois, calme, réservé, qui se promenait avec lui en le suivant toujours sans rien dire. Un jour il vit cueillir à Rousseau les graines d'une espèce de saule, agréables au goût ; comme il les