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saient toutes nues, et développaient leurs grâces, aux pieds du mont Taygète, toutes les

    dans maintes audiences tout le parlement ; nous avons vu siffler les chanceliers, les archevêques, les cardinaux, notre saint-père le pape, Condé, Conti, d’Artois ; trop heureux s’ils en étaient quittes pour des sifflets ! chez une nation aussi gaie, l’article premier de nos libertés doit être la liberté de siffler. Quant à moi, Messieurs, je vous permets de siffler votre président, si cela vous fait plaisir, et je tiens que M. Grammont n’est point irrégulier et inhabile à être capitaine et qu’il n’y a lieu à délibérer.

    C’est un charmant district que les Cordeliers, et je ne saurais m’empêcher de le proposer pour modèle au district Saint-Roch. Ce sont les Cordeliers qui ont obtenu l’élargissement de M. Le Tellier, l’élargissement du baron Tintot. Ils ont arrêté de respecter les promenades publiques, et de ne point profaner, par des patrouilles, la sainteté du palais, qu’on devrait bien appeler le Palais-National, plutôt que le Palais-Royal. Le district des Cordeliers a encore autorisé les libraires à se passer de l’approbation de la Ville ; il a déclaré les colporteurs personnes sacrées, et leur a rendu la voix dans son arrondissement, sauf la responsabilité des auteurs. On voit que ce district se ressent du voisinage du café Procope. Ce café n’est point orné comme les autres, de glaces, de dorures, de bustes ; mais il est paré du souvenir de tant de grands hommes qui l’ont fréquenté, et dont les ouvrages en couvriraient tous les murs, s’ils y étaient rangés ; on n’y entre point sans éprouver le sentiment religieux qui fit sauver des flammes la maison de Pindare. On n’a plus, il est vrai, le plaisir d’y entendre Piron, Voltaire, Jean-Baptiste Rousseau, mais les patriotes soutiennent encore sa réputation. C’est à ce café que l’Assemblée nationale doit d’avoir l’abbé Syeyès dans son sein. Il a la gloire unique que jamais le langage de la servitude n’a osé s’y faire entendre ; que jamais les patrouilles nationales, non plus que les patrouilles royales, n’ont osé y entrer ; et c’est le seul asile ou la liberté n’ait pas été violée.

    (Note de Desmoulins.)