Page:Oeuvres de Camille Desmoulins - Tome 1.djvu/34

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avec sa verve accoutumée les théories lacé démoniennes de Mably :

« La science de ce législateur (Lycurgue) n’a consisté qu’à imposer des privations à ses concitoyens ; l’art est de ne rien retrancher aux hommes du petit nombre de leurs jouissances, mais d’en prévenir l’abus. Le beau mérite qu’avait Lycurgue d’ôter la cupidité aux Lacédémoniens avec sa monnaie de cuivre, dont mille francs, aujourd’hui si légers dans un billet de caisse, remplissaient la maison jusqu’au toit ! Le beau mérite de leur inspirer la frugalité, avec son fromage et sa sauce détestable ; de guérir les maris de la jalousie, en mettant le cocuage en honneur ; de guérir de l’ambition, avec sa table d’hôte à dix sous par repas ! Mably trouve tout cela admirable ; mais c’est détruire la passion de l’amour avec un rasoir, et en vérité il n’y a pas là de quoi se récrier sur l’invention ! Lycurgue est un médecin qui vous tient en santé avec la diète et l’eau. Mais quelle pire maladie qu’un tel régime, et la diète et l’eau éternellement ? *^ ne m’étonne plus, disait un Sybarite £ai venait de passer vingt-quatre heures à acédémone, et qui faisait bien vite remettre les chevaux à sa voiture pour continuer ses voyages, je ne m’étonne plus du courage de ces gens-là. Qui diable craindrait la mort dans ce pays et ne s’empresserait de se faire tuer bien vite pour être délivré d’une telle vie ? — Lycurgue avait rendu ses Lacédémoniens égaux, comme la tempête rend égaux ceux qui ont fait naufrage. C’est ainsi qu’O-