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Montaigne, regarder les églises comme des petites-maisons d’imbéciles qu’il fallait laisser subsister jusqu’à ce que la raison eût fait assez de progrès, de peur que ces fous ne devinssent des furieux.

Aussi ce qui m’inquiète, c’est de ne pas m’apercevoir assez des progrès de la raison humaine parmi nous. Ce qui m’inquiète, c’est que nos médecins politiques eux-mêmes ne comptent pas assez sur la raison des Français, pour croire qu’elle puisse être dégagée de tout culte. Il faut à l’esprit humain malade, pour le bercer, le lit, plein de songes, de la superstition ; et à voir les processions, les fêtes qu’on institue, les autels et les saints sépulcres qui se lèvent, il me semble qu’on ne fait que changer de lit le malade ; seulement on lui retire l’oreiller de l’espérance d’une autre vie. Comment le savant Cloots a-t-il pu ignorer qu’il faut que la raison et la philosophie soient devenues plus communes encore, plus populaires qu’elles ne le sont dans les départements, pour que les malheureux, les vieillards, les femmes puissent renoncer à leurs vieux autels, et à l’espérance qui les y attache ? Comment peut-il ignorer que la politique a besoin de ce ressort ; que Trajan n’eut tant de peines de subjuguer les Daces, que parce que, disent les historiens, à l’intrépidité des barbares ils joignaient une persuasion plus intime de l’existence du palais