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qu’ils auront à souffrir de maux pendant cinquante ans. Et faut-il chercher des exemples si loin ? Les massacres du Champ-de-Mars et de Nancy ; ce que Robespierre racontait l’autre jour aux Jacobins, des horreurs que les Autrichiens ont commises aux frontières, les Anglais à Gênes, et les royalistes à Fougères et dans la Vendée, et la violence seule des partis, montrent assez que le despotisme, rentré furieux dans ses possessions détruites, ne pourrait s’y affermir qu’en régnant comme les Octave et les Néron. Dans ce duel entre la liberté et la servitude, et dans la cruelle alternative d’une défaite mille fois plus sanglante que notre victoire, outrer la Révolution avait donc moins de péril, et valait encore mieux que de rester en deçà, comme l’a dit Danton, et il a fallu, avant tout, que la République s’assurât du champ de bataille.

D’ailleurs tout le monde conviendra d’une vérité. Quoique Pitt sentant cette nécessité où nous étions réduits, de ne pouvoir vaincre sans une grande effusion de sang, ait changé tout à coup de batteries, et, profitant habilement de notre situation, ait fait tous ses efforts pour donner à notre liberté l’attitude de la tyrannie, et tourner ainsi contre nous la raison et l’humanité du dix-huitième siècle, c’est-à-dire, les armes mêmes avec lesquelles nous avions vaincu le despotisme ; quoique Pitt, depuis la grande victoire de la Monta-