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bune, je l’ai dit dans mes numéros, et vous m’en feriez un crime ! Pourquoi m’avez-vous arraché à mes livres, à la nature, aux frontières où je serais allé me faire tuer comme mes deux frères qui sont morts pour la liberté ? pourquoi m’avez-vous nommé votre représentant ? pourquoi ne m’avez-vous pas donné des cahiers ? Y aurait-il une perfidie, une barbarie semblable à celle de m’envoyer à la Convention, de me demander ainsi ce que je pense de la République, de me forcer de le dire, et de me condamner ensuite, parce que je n’aurais pas pu vous dire des choses aussi agréables que je l’eusse souhaité ? Si l’on veut que je dise la vérité, c’est-à-dire, la vérité relative, et ce que je pense, quel reproche a-t-on pu me faire, quand même je serais dans l’erreur ? Est-ce ma faute si mes yeux sont malades, et si j’ai vu tout en noir à travers le crêpe que les feuilles du Père Duchesne avaient mis devant mon imagination ?

Suis-je si coupable de n’avoir pas cru que Tacite, qui avait passé jusqu’alors pour le plus patriote des écrivains, le plus sage et le plus grand politique des historiens fût un aristocrate et un radoteur ? Que dis-je, Tacite ? ce Brutus même dont vous avez l’image, il faut qu’Hébert le fasse chasser comme moi de la société ; car si j’ai été un songe-creux, un vieux rêveur, je l’ai été non-seulement avec