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non pas cette autre base, que leur a donnée Montesquieu. Je penserai toujours, et je ne me lasse point de répéter, comme Loustalot, que « si la liberté de la presse existait dans un pays où le despotisme le plus absolu aurait mis dans la même main tous les pouvoirs, elle seule suffirait pour faire contrepoids ; » je suis même persuadé que, chez un peuple lecteur, la liberté illimitée d’écrire, dans aucun cas, même en temps de révolution, ne pourrait être funeste ; par cette seule sentinelle, la république serait suffisamment gardée contre tous les vices, toutes les friponneries, toutes les intrigues, toutes les ambitions ; en un mot, je suis si fort de ton sentiment sur les bienfaits de cette liberté, que j’adopte tous tes principes en cette matière, comme la suite de ma profession de foi.

Mais le peuple français en masse n’est pas encore assez grand lecteur de journaux, surtout assez éclairé et instruit par les écoles primaires qui ne sont encore décrétées qu’en principe, pour discerner juste au premier coup d’œil entre Brissot et Robespierre. Ensuite, je ne sais si la nature humaine comporte cette perfection que supposerait la liberté indéfinie de parler et d’écrire. Je doute qu’en aucun pays, dans les républiques, aussi bien que dans les monarchies, ceux qui gouvernent aient jamais pu supposer cette liberté indéfinie. Aristophane a mis sur la scène Cléon et