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ment au cadavre de Brutus qui s’était percé de son épée, Antoine répandait des larmes sur le dernier des Romains, et le couvrait de son armure : aussi les prisonniers, en abordant Antoine, le saluaient du nom d’imperator, au lieu qu’ils n’avaient que des injures et du mépris pour ce lâche et cruel Octave. Mais le vieillard Cicéron avait fait d’Antoine, par sa harangue, un ennemi irréconciliable de la république et d’un gouvernement qui, par sa nature, était une si vive peinture de ses vices, et de cette liberté illimitée d’écrire. Cicéron, sentant bien qu’il avait aliéné Antoine sans retour, et comme tous les hommes, excepté les Caton, si rares dans l’espèce humaine, qu’il avait sacrifié tout sans politique à son salut, plutôt qu’à celui de la patrie, se vit obligé de caresser Octave, pour l’opposer à Antoine, et de se faire ainsi un bouclier pire que l’épée. La popularité et l’éloquence de Cicéron furent le pont sur lequel Octave passa au commandement des armées, et, y étant arrivé, il rompit le pont. C’est ainsi que l’intempérance de la langue de Cicéron, et la liberté de la presse ruina les affaires de la république autant que la vertu de Caton. À la vérité, mon vieux cordelier, et pour finir par un mot qui nous réconcilie un peu ensemble, et qui te prouve que si tu es un pessimiste, je ne suis pas un optimiste, j’avoue que, quand la vertu et la liberté de la presse deviennent