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Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/159

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Cruellement puni sans me trouver coupable,
Et toujours avec moi énigme inconcevable,
Qu’ai-je fait ? Par pitié, raison, sois mon soutien :
Réponds-moi. Mais hélas ! Tu ne me dis plus rien.
A mon secours enfin j’appelle tous les hommes.
Je demande où l’on va, d’où l’on vient, qui nous sommes,
Et je les vois courir peu touchés de mes maux,
A des amusements qu’ils nomment leurs travaux.
On détruit, on élève, on s’intrigue, on projette :
Sans cesse l’on écrit, et sans cesse on répète.
L’un jaloux de ses vers, vain fruit d’un doux repos,
Croit que Dieu ne l’a fait que pour ranger des mots.
L’autre assis pour entendre et juger nos querelles,
Dicte un amas d’arrêts, qui les rend éternelles.
Cent fois j’ai souhaité, j’en fais l’aveu honteux,
Pouvoir de mes malheurs me distraire comme eux ;
Et risquant sans remords mon âme infortunée,
Attendre du hasard ma triste destinée.
Quelques-uns, m’a-t-on dit, cherchant la vérité,
Dans un savant loisir ont longtemps médité :
Et leurs veilles ont fait la gloire de la Grèce :
Dans l’école d’Athènes habita la sagesse.
Puisse, pour m’exposer ce merveilleux tableau,
Raphaël prendre encor son sublime pinceau !
Que de héros fameux ! Quels graves personnages !
Que vois-je ! La discorde au milieu de ces sages ;
Et de maîtres, entre eux sans cesse divisés,
Naissent des sectateurs l’un à l’autre opposés.
Nos folles vanités font pleurer Héraclite ;
Ces mêmes vanités font rire Démocrite.