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Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/162

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La mort, si je l’en crois, ne doit point m’affliger :
On ne périt jamais, on ne fait que changer :
Et l’homme et l’animal par un accord étrange,
De leurs âmes entre eux font un bizarre échange.
De prisons en prisons renfermés tour à tour,
Nous mourons seulement pour retourner au jour.
Triste immortalité ! Frivole récompense
D’une abstinence austère, et de tant de silence !
Philosophes : que dis-je ? Antiques discoureurs ;
C’est prêter trop longtemps l’oreille à vos erreurs.
Ainsi donc étourdi de pompeuses paroles,
Plus troublé que jamais je sors de vos écoles.
Vous promettez beaucoup : de vos grands noms frappé,
J’attendais tout de vous, et vous m’avez trompé.
Du seul fils d’Ariston je n’ai point à me plaindre ;
Ennemi du mensonge, il m’apprend à le craindre :
Il tremble à chaque pas, et vers la vérité
Je sens qu’il me conduit par sa timidité.
D’un heureux avenir je lui dois l’espérance :
D’un Dieu qui me chérit j’entrevois la puissance.
Mais s’il m’aime ce Dieu, dans un désordre affreux
Doit-il laisser languir un sujet malheureux ?
Pourquoi de tant d’honneur et de tant de misère
Réunit-il en moi l’assemblage adultère ?
Prodigue de ses biens, un père plein d’amour
S’empresse d’enrichir ceux qu’il a mis au jour.
L’être toujours heureux, rend heureux ses ouvrages.
Il s’aime, son amour s’étend sur ses images.
Il nous punit : de quoi ? Nous l’a-t-il révélé ?
La terre est un exil : pourquoi suis-je exilé ?