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Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/214

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Je sais qu’il nous demande un amour sans partage.
Mais enfin la nature est aussi son ouvrage :
Et lorsqu’à tant de maux tu mêles quelques biens,
Ô nature, tes dons ne sont-ils pas les siens ?
Ce n’est pas qu’attendant de toi les biens solides,
Chez tes héros fameux je choisisse mes guides.
L’arbitre renommé du plaisir élégant
M’étalerait en vain tout son luxe savant.
L’art de se rendre heureux ne s’apprend point d’un maître
Habile seulement à ne se point connaître,
Qui mettant de sang froid la prudence à l’écart,
Veut vivre à l’aventure, et mourir au hasard.
Ce rimeur enjoué m’inspire la tristesse.
Et que m’importe à moi sa goutte et sa vieillesse ?
L’ennui de ses malheurs dicta ses vers badins.
Il m’y dépeint sa joie, et j’y lis ses chagrins.
Il me chante l’amour d’une voix affligée ;
Et suivant mollement sa muse négligée,
Du mépris de la mort me parle à chaque pas.
Il m’en parlerait moins s’il ne la craignait pas.
Illustres paresseux, dont Pétrone est le maître,
Ô vous, mortels contents, puisque vous croyez l’être,
Vous me vantez en vain vos jours délicieux :
Ne me comptez jamais parmi vos envieux.
Hélas ! Dans ce temps même à vos cœurs favorable,
Règne affreux de Vénus, quand l’homme déplorable
Consacra ses plaisirs sous des noms empruntés,
Et de ses passions fit ses divinités ;
Le sage dut toujours, honteux de sa faiblesse,
Encenser à regret les dieux de la mollesse.