Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des crimes, pour excuser leurs passions , dont ils prévoient la violence pour une force divine :

Sua cuique Deus fit dira libido.

Ils trouvoient fort commode, quand ils avoient commis quelque faute, de la rejeter sur les Dieux :

Crimen erit Superis et mefecisse nocentem.

dit Caton dans Lucain. Hélène, dans Homère, reproche à Vénus de l'avoir séduite ; et dans Euripide, de l'aveu de Ménélas lui-même, elle ne lui a été infidelle que par obéissance aux Dieux. Malgré ce langage si commun chez les Païens, ils en tiennent un autre tout opposé , quand ils parlent en philosophes. Ils se laissoient tromper par ce faux raisonnement de notre amour-propre , que nous n'aurions point de mérite, si notre vertu étoit un don du ciel. C'est ce que Cicéron fait dire à un de ses interlocuteurs, dans le troisième livre de la Nature des Dieux : In pirtute recte gîoriamur, quod non contingeret, si id donum a Deo , non a nobis haberemus. On trouve encore dans le même Cicéron, qu'on ne doit demander au ciel que les dons de la fortune ; mais que notre sagesse est en notre pouvoir : Fortunam à Deo petendam, aà seipso sumendam esse sapientiam.

« En effet, disoit-il, quelqu'un s'est-il jamais avisé de remercier les Dieux d'être honnête homme ? » Nam quis , quid bonus vir esset, gratias Diis egitunauam ? Action de grâces qu'un Chrétien fait tous les jours. Ces deux langages si contraires et si communs chez les Païens, ont été Bien rendus par Corneille dans son Œdipe. Il fait dire à Jocaste :

 
C'étoit là de mon fils la noire destinée :
Sa vie à ces forfaits par le ciel