Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/56

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En vain nous lui voudrons disputer notre cœur,
Il en sera toujours le souverain moteur.
Dieu commande, et dans l’homme il fait ce qu’il commande :
Il donne le premier ce qu’il veut qu’on lui rende.
D’où vient donc cet orgueil si follement conçu ?
Quel bien possedons-nous que nous n’ayons reçu ?
Mere des bons desseins, principe de lumiere,
La Grace produit tout, et même la priere.
Quand nous courons vers elle, elle nous fait courir ;
Quand pour elle un cœur s’ouvre, elle le vient ouvrir ;
Elle forme nos vœux, et dans l’ame qui prie,
Par d’ineffables sons c’est l’esprit saint qui crie.
L’homme, quand sur lui seul il ose s’appuyer,
Est semblable au roseau qu’un souffle fait plier.
Tout croît, et vit en Dieu : la foible créature
De sa main liberale attend la nourriture.
Aux pâturages gras il mene ses troupeaux :
Il les conduit lui-même à la source des eaux.
Pasteur rempli d’amour il adoucit leurs peines,
Il porte dans son sein les brebis qui sont pleines.
Soumettons-nous sans crainte à cette vérité :
La Grace est le soutien de notre humilité.
Au dieu qui vous conduit, mortels, rendez hommage.
N’allez point toutefois en détestant Pelage,
Dans un aveugle excès follement entraînés,
Vous croire des captifs malgré vous enchaînés,
Et du ciel oubliant la douceur infinie,
Changer son regne aimable en dure tyrannie.
L’impétueux Luther, qu’emportoient ses fureurs,
Joignit ce dogme impie à tant d’autres erreurs.