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Page:Oeuvres de Louis Racine, T1, 1808.djvu/75

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Sur les tendres agneaux que le ciel me confie,
Sans relâche attentif, je réponds de leur vie.
Les hommes par ce choix qui partage leur sort,
Sont tous devant celui qui ne fait aucun tort,
Les uns vases d'honneur, objets de la tendresse,
Connus, prédestinés, enfans de la promesse ;
Les autres malheureux, inconnus, réprouvés,
Vases d'ignominie, aux flammes réservés.
Qu'ici sans murmurer la raison s'humilie.
Dieu permet notre mort, ou nous donne la vie :
Ne lui demandons point compte de ses decrets.
Qui pourra d'injustice accuser ses arrêts ?
L'homme, ce vil amas de boue et de poussiere,
Soutiendroit-il jamais l'éclat de sa lumiere ?
Ce Dieu d'un seul regard confond toute grandeur :
Des astres devant lui s'éclipse la splendeur.
Prosterné près du thrône où sa gloire étincelle,
Le cherubin tremblant se couvre de son aîle.
Rentrez dans le néant, mortels audacieux.
Il vole sur les vents, il s'assied sur les cieux.
Il a dit à la mer, brise-toi sur ta rive ;
Et dans son lit étroit la mer reste captive.
Les foudres vont porter ses ordres confiés,
Et les nuages sont la poudre de ses pieds.
C'est ce Dieu qui d'un mot éleva nos montagnes,
Suspendit le soleil, étendit nos campagnes ;
Qui pese l'univers dans le creux de sa main.
Notre globe à ses yeux est semblable à ce grain,
Dont le poids fait à peine incliner la balance.
Il souffle, et de la mer tarit le gouffre immense.