Page:Oeuvres de Saint Bernard, Tome 1, 1870.djvu/39

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VIE DOMESTIQUE. quait, autant que le comportait son âge, à vivre comme sa mère ; à prier comme sa mère ; il imitait en secret les œuvres qu’il voyait accomplir, donnait du pain aux pauvres, rendait des services à ses frères, souriait à tous ; il parlait peu, s’observait avec attention pour modérer les mouvements de sa vivacité naturelle ; et souvent on le voyait retiré à l’écart, pleurant ses fautes et soupirant une prière naïve et ardente. Le saint enfant montra aussi, dès ses premières années, de remarquables dispositions pour les études. Sa précoce intelligence avait quelque chose de lucide et de vif qui se reflétait dans son œil et colorait les traits purs et mobiles de sa physionomie. Son cœur ouvert et avenant répandait sur son visage et sur toute sa personne ces teintes de joie innocente qui donnent à l’enfance des charmes si angéliques. 11 avait la chevelure blonde, la peau très-fine et la taille élancée 1 ; son extérieur reproduisait la noble image de son père, mais son âme était l’âme de sa mère. Durant une maladie assez grave qu’il fit dans son jeune âge, il subit une épreuve où l’on put admirer la délicatesse de sa conscience. Tourmenté d’un mal de tète dont la violence avait résisté aux remèdes, une femme s’offrit à le guérir ; mais à peine eut-il aperçu certains objets superstitieux entre les mains de cette femme, qu’il se leva avec impétuosité de son lit, et chassa de sa chambre, en poussant un cri d’indignation, celle qui voulait lui rendre la santé par les pratiques odieuses de la magie .Le Seigneur sembla récompenser tout aussitôt, et d’une manière visible, les sentiments de piété du fils d’Aleth. Le mal disparut subitement, et l’enfant se releva plein de santé et de joie intérieure La malice des hommes tendit d’autres pièges à sa conscience. Il sut les vaincre ou les éviter ; et ces premières victoires furent comme les préludes de l’empire qu’il acquit d’abord sur lui-même, puis sur ses contemporains. Une circonstance qui se rattache à ce premier âge de la vie contribua puissamment à échauffer sa foi. Laissons parler un de ses bio- graphes : « C’était à l’heure nocturne de la célèbre « messe de Noël : il advint que le jeune Bernard , étant assis et se recueillant avant « l’office divin, pencha sa tète sur sa poitrine « et s’endormit un peu. Au même instant « l’enfant Jésus lui apparut en vision : le Verbe « incarné se présenta à ses yeux comme naissant une seconde fois du sein de la Vierge « mère, et comme le plus beau des enfants des « hommes. Cette vision admirable ravit dételle « sorte les premières affections du petit Bernard, qui déjà ne tenait plus rien de l’enfance, qu’à dater de ce moment son esprit demeura persuadé, comme il le croit et le déclare encore aujourd’hui, que l’heure où il eut cette vision était l’heure même de la naissance de Notre-Seigneur. En effet, ajoute l’ami et le biographe de saint Bernard, il serait difficile à ceux qui l’ont souvent ouï prêcher, de ne pas reconnaître combien de grâces et de bénédictions il reçut dans cette nuit bienheureuse ; puisque , depuis cette époque, il semble avoir acquis une plus profonde connaissance de ce grand mystère, et un discours plus riche et plus abondant toutes les fois qu’il en parle ’. Or quelques années s’écoulèrent ; et le jeune enfant, comme le divin Modèle, croissait en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes. CHAPITRE DEUXIÈME Éducation de saint Bernard. — Mœurs domestiques du moyen ;a 11 y avait à l’église de Châtillon-sur-Seine 3 une école de grand renon à cause des méthodes 1 Gaudef., lib. II, cap. i. — ChittleSi de lltust. gen. S.B., p. 426428. a Grill., lib. 1, cap. n. 8 Gnill., lib. J, cap. n. nouvelles que les scolastiques commençaient à y introduire. On y enseignait la sagesse du siècle [sœcularis sapientia*) ; car c’est ainsi qu’on appelait la philosophie un peu équivoque des 1 lu ecclesia Castellouis. Voy.2" Vita S. Bjnt., auct. Alano. 2 Godet’., Vita lier,,., p. 10S1.