Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
CHANT PREMIER

près du foyer, sans que nous puissions ni chasser, ni faire aucune excursion en Écosse ? La vengeance de ce rustre de Bughtrig ne se contenterait pas cette fois de lui retenir son froc. Que frère Jean dorme à son aise au coin de la cheminée ! qu’il continue à faire rôtir des pommes sauvages, ou à vider les flacons ! il est venu hier au soir à Norham un guide qui vaudra mieux que frère Jean.

— Par ma foi ! dit Heron, c’est bien parlé, neveu ; voyons, achève.

xxiii.

— Nous avons ici un saint pèlerin qui a visité Jérusalem et qui vient de Rome ; il a baisé la pierre du saint sépulcre ; il a parcouru tous les saints lieux de la Palestine et de l’Arabie, gravi les montagnes de l’Arménie, où l’on voit encore l’arche de Noé ; traversé cette mer Rouge qui s’ouvrit sous la baguette du prophète, et salué dans le désert de Sinaï la montagne sur laquelle la loi fut donnée au milieu des éclairs et de l’orage ; il a apporté des coquillages de Saint-Jacques de Compostelle : il a vu le fertile Montserrat, et cette grotte où, fuyant les hommages de toute la jeunesse sicilienne, sainte Rosalie se retira avec Dieu seul.

xxiv.

Ce pèlerin a aussi imploré le pardon de ses péchés dans la chapelle du vaillant saint George de Norwich, dans celle de saint Cuthbert de Durham et de saint Bede ; il connaît tous les chemins d’Écosse, et va visiter les églises du comté de Forth ; il mange peu, veille long-temps, et ne boit que de l’eau des ruisseaux ou des lacs. Voilà un bon guide dans les plaines comme dans les montagnes ; mais, quand frère Jean a vidé son pot d’ale, il ne sait plus quel chemin il a pris, et ne s’en soucie guère plus que le vent qui souffle et se réchauffe contre son nez[1]

  1. Cette plaisanterie triviale de l’auteur a été l’objet d’une critique sévère en Angleterre. — Ed.