Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CHANT SIXIEME 299

chaque fois que j’entendais le nom de Clara. Enfin je recouvrai le calme de mon ame, graves aux soins généreux d’Austin, et je résolus de fuir ma patrie, déguisé sous les habits d’un pèlerin. Je parcourus mainte contrée, faisant un mystère de mon nom et de mon histoire ; confondu avec les derniers des hommes, Wilton n’était plus un chevalier fier de sa naissance. Austin, qui m’accompagnait, s’alarmait souvent pour ma raison, lorsqu’il me voyait, assis sur une roche solitaire, méditer une sombre vengeance et nourrir la soif du sang dans un cœur ulcéré. Une maladie vint enfin terminer les jours de cet ami fidèle. Il me prévint que le Dieu du ciel allait l’appeler à lui, et il me fit promettre comme une grave, sur son lit de mort, d’écouter la pitié, si jamais mon ennemi tombait sous mon glaive. Je lui jurai d’épargner sa vie pour l’amour d’Austin.

VII.

Poursuivi sans cesse, comme Caïn, par une inquiétude fatale, je continuai ma vie errante, et je vins bientôt en Ecosse, dont tous les chemins m’étaient connus. Divers bruits avaient couru sur ma destinée : les uns racontaient que j’étais mort des suites de mes blessures, les autres dans mon pèlerinage ; personne ne se souciait de dire vrai ou non sur un homme privé de son honneur. Aucun mortel n’eut pu deviner Wilton sous son capuchon de pèlerin ; car, moi-même, lorsque j’ai déposé ma robe noire et coupé ma longue barbe, je me suis à peine reconnu dans la glace. Un hasard bizarre m’a donné pour guide à. un chevalier… je ne le nommerai pas… La vengeance appartient à Dieu seul ; mais, quand je pense à tous mes outrages, un feu dévorant circule dans mes veines ! Je n’oublierai jamais le soir où nos regards se rencontrèrent dans une hôtellerie d’E cosse : j’ignore quelle était sa pensée ; mais j’avoue que l’enfer inspirait à mon cœur les projets d’une cruelle vengeance.