Page:Oeuvres de Walter Scott,Tome I, trad Defauconpret, 1830.djvu/356

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deux limiers, Fitz-James suit à pas lents les détours des hauteurs ; la jeune fille l’épie encore de loin d’un air distrait ; mais, quand elle eut perdu de vue la figure noble de son hôte, sa conscience lui adressa un reproche secret.

—Et ton Malcolm, vaine et ingrate Hélène !.... se dit-elle ; —Malcolm n’aurait pas écouté comme toi, en rêvant, les doux accens de la langue du sud ! Malcolm n’aurait jamais attaché ses regards sur d’autres pas que les tiens !

— Sors de ta rêverie, Allan-Bane ! s’écria Hélène en s’adressant au vieux ménestrel, auprès de qui elle était assise ; sors de ta rêverie ! Je vais donner à ta harpe le sujet d’un chant héroïque, et t’enflammer par un noble nom ; célèbre la gloire des Grœme !

A peine ces mots étaient-ils échappés de ses lèvres, que la timide Hélène rougit de pudeur ; car le jeune Malcolm Grœme était regardé comme le héros de son clan dans tous les châteaux de l’Ecosse.

VII.

Le ménestrel fit vibrer les cordes de sa harpe..,. Trois fois des préludes guerriers retentirent sur les bords du lac ; trois fois cette harmonie martiale se perdit en tristes murmures.

Le vieillard croisa ses mains flétries, et dit à Hélène :

—Vainement, ô noble fille des héros ! vainement tu m’ordonnes de célébrer ce clan généreux, toi qui fus toujours obéie par ton vieux barde ! Hélas ! une main plus puissante que la mienne a accordé ma harpe et commandé ses sons ! Je touche les cordes des chants de gloire ; elles répondent, par des accens de douleur et de deuil. La marche triomphante des vainqueurs se perd dans l’hymne lugubre des funérailles ! Oh ! si du moins ce son prophétique n’annonçait que ma fin prochaine ; si, comme le disaient les bardes mes ancêtres, cette harpe, qui résonna jadis sous les mains de saint Modan, a la vertu de prédire la destinée de son maître, j’accepte sans regret l’augure fatal au seul ménestrel.