Harpe du nord, adieu ! Les collines se rembrunissent; une ombre plus épaisse descend sur les pics de la montagne couronnée de pourpre ; la luciole[1] brille comme un diamant dans le crépuscule, et les daims, qu’on ne voit qu’à demi, se retirent sous l’abri de la feuillée; reprends place sur ton ormeau magique; réponds au murmure de la fontaine et à l’harmonie sauvage de la brise; mêle tes doux accords à l’hymne du soir, aux échos lointains de la colline, à la flûte du jeune pâtre et au bourdonnement de l’abeille qui retourne à la ruche.
Adieu encore une fois, Harpe du ménestrel! pardonne mon faible essai; je m’inquiéterai peu si la censure sévère s’amuse par oisiveté à critiquer ces fruits de mes loisirs. Que n’ai-je pas dû à tes accords dans le long pèlerinage de la vie, quand des peines secrètes que le monde ignora toujours, assiégeaient mes nuits sans sommeil auxquelles succédaient des jours plus tristes encore! Ah! le chagrin qu’on dévore dans la solitude est de tous le plus amer!... Si je n’ai pas succombé à tant de maux, c’est à toi que je le dois, céleste enchanteresse!
Mais silence! pendant que mes pas ralentis s’éloignent à regret, quelque esprit aérien vient de réveiller tes cordes : c’est tantôt la touche brûlante d’un séraphin inspiré, et tantôt l’aile joyeuse d’une fée qui les caresse à son tour. Ces sons mourans s’affaiblissent de plus en plus dans la pente du vallon; et maintenant la brise de la montagne apporte à peine jusqu’à moi un dernier accent de cette harmonie mystérieuse Déjà règne le silence. — Enchanteresse, adieu!
- ↑ Luciole, lampyris, ver-luisant.