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LA RECHERCHE

son comptoir la retraite du diable. Ses guerres étaient finies ; c’était le jour des comptes, et les auteurs prétendent que c’est la coutume de ce digne personnage de ne jamais se plaindre jusqu’à ce qu’il soit obligé de payer ; et pour lors, par caractère, il pense toujours que l’ouvrage est trop peu de chose et le salaire trop fort[1].

Cependant, tout grognon qu’il est, il a si bon cœur que, lorsque son ennemi mortel fut terrassé et hors d’état de lui faire peur, le pauvre John était presque tenté de pleurer Buonaparte.

Tel était le personnage à qui Soliman fit son salamalec.

— Et qui êtes-vous ! Dieu vous damne ! répondit John.

xvi.

— Je suis un étranger venu ici pour voir l’homme le plus heureux de tout le Frangistan[2] C’est du moins, seigneur, ce qu’on m’a assuré. — Heureux ! mes fermiers me refusent leurs rentes, mes pâturages sont sans bestiaux et mes terres sans culture ; le sucre et le rum ne sont plus que des drogues, et les rats et les teignes sont les seuls consommateurs de mes bons draps. Heureux ! Eh quoi ! la maudite guerre et les taxes nous ont a peine laissé un habit sur le dos.

— Dans ce cas, seigneur, je dois prendre congé de vous. Je venais vous demander une grâce, mais je vois bien…..

— Une grâce ? dit John en fronçant le sourcil. Mais, tenez, vous me paraissez quelque pauvre pêcheur étranger ; prenez cela pour vous procurer une chemise et un dîner.

Ce disant, il lui jeta une guinée au visage ; mais le sultan reprit avec dignité :

— Permettez-moi de refuser votre générosité. Je cherche en effet une chemise, mais aucune des vôtres, seigneur. Je vous baise les mains, et adieu.

  1. Voyez le véritable Anglais, par Daniel de Foe.
  2. L’Europe.