Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/15

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— Que chacun fasse à sa guise. Partez en avant. Dans une heure nous allons vous rejoindre…

Puis, se tournant vers le peintre Pierre Laurier, son ami Jacques de Vignes et vers le docteur Davidoff, qui n’avaient pas bougé :

— Continuez donc, mon cher, dit-il au médecin, vous m’intéressez prodigieusement.

Le médecin russe jeta sa cigarette, en alluma une autre, et, regardant avec autorité ses trois auditeur, il poursuivit le récit qui avait été violemment coupé par les interruptions des convives maintenant éloignés.

— Je confesse que l’histoire que j’avais commencée devant nos amis est assez singulière et que, pour des sceptiques, elle manque un peu de vraisemblance ; mais, dans nos pays slaves, brumeux et sombres, qui semblent vraiment la patrie des spectres et des fantômes, elle n’aurait pas soulevé la moindre incrédulité…. La moitié de nos compatriotes se compose de Swedenborgistes inconscients, qui admettent, ainsi que le grand philosophe, mais sans les raisonner, les phénomènes du monde invisible, et vous affirmeriez devant eux, comme je le fais devant vous, le fait surprenant de la transmission d’une âme à un corps vivant, par la seule volonté d’une personne décidée à mourir, que vous les verriez pâlir, trembler, mais non point protester. Chez nous, on croit aux vampires qui sortent de leur tombe lorsqu’un rayon de lune en touche la pierre, on admet les apparitions révélatrices de la mort prochaine. Et, par la seule raison qu’on croit à ces miracles, on les rend possibles…. Une conviction forte est le plus puissant des fluides, et le spiritisme a pour première condition une confiance absolue. Si vous doutez, vous disent les adeptes, n’essayez pas de pénétrer nos mystères, ils demeureront pour vous immuablement insondables…