Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/183

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— Je viens pour ça.

— Alors vous êtes doublement le bienvenu. Voulez-vous que je vous conduise chez lui ?

— Vous serez très aimable.

Elle se mit à rire, et se levant :

— Il n’y en a pas une, pour être aimable, comme moi !

— C’est ce qu’on m’a dit.

— «On» est un indiscret !

— Pourquoi, ma chère ? Voilà comme s’établissent les bonnes réputations.

Ils traversèrent le salon :

— Vous êtes sur le bateau de Woreseff ?

— Oui.

— Est-ce qu’il donne toujours dans les sultanes, le cher comte ?

— Toujours.

— Voilà un gaillard qui entend la vie ! Sa femme ne saura jamais le service qu’elle lui a rendu en le faisant…

— Parfaitement !

Ils avaient gagné le premier étage. Elle s’arrêta sur le palier et, montrant une porte :

— Voici l’appartement de Jacques.

La jeune femme, debout dans sa robe rosé, le teint clair, les yeux brillants, éclairée par le plein jour d’une croisée donnant sur la mer, était si belle, que Davidoff s’arrêta un instant à la regarder. Il comprit l’irrésistible séduction qui émanait de cette troublante et féline créature. Il devina le plaisir que trouvaient les hommes à se laisser déchirer par ces griffes polies, délicates et tranchantes, à se faire mordre par ces dents blanches, fines et féroces. En elle, il reconnut le sphinx éternel, qui dévore les audacieux avides de connaître le mot de l’énigme. Son regard exprima si clairement