Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/223

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— C’est comme d’être aimable après, fit Mariette de Fontenoy.

— Croyez-en l’expérience de ces dames ! dit Burat, et méfiez-vous de l’apoplexie du dessert !

— Toi, si tu meurs prématurément, riposta la belle blonde, ce sera, bien sûr, empoisonné, pour t’être mordu ta méchante langue !

— Oh ! Fontenoy, tu es moins généreuse que nos pères à la bataille de ton nom ; tu ne dis pas : Messieurs, tirez les premiers !

— Je ne dis ça que passé minuit !

— Mais alors, hein ? Comme tu le dis bien !

— Tu n’en sais rien, en tous cas !

— On me l’a raconté.

— Qui ça ?

— Pardi ! tout le monde !

— Insolent !

Mariette, au milieu d’un hourra général, s’était élancée sur l’avocat, et rouge, riant et rageant à la fois, le battait à grands coups d’éventail, faisant à chaque mouvement violent tinter l’or de ses bracelets. Lui se garantissait la tête avec les mains, tournant autour du salon, poursuivi par la charmante fille, dont la robe de batiste rose ornée de valenciennes ondulait au hasard de la course, découvrant deux petits pieds chaussés de cuir mordoré et deux jambes fines moulées dans des bas à jour. Elle s’arrêta essoufflée, devant Burat tombé à genoux sur le tapis, et montrant son éventail en pièces :

— Pour la peine tu m’en paieras un autre.

— Oui, ma biche, et je ferai peindre dessus des fleurs d’oranger !

— Ça recommence, alors ?

— Allons ! la paix ! réclama Clémence. On va déjeuner.