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Page:Ohnet - L’Âme de Pierre, Ollendorff, 1890.djvu/43

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Les hommes grimpaient le sentier avec leurs ballots, les fraudeurs poussaient leur barque en eau profonde. Pendant la manoeuvre, un matelot tomba à la mer. Des appels se firent entendre. C’étaient les douaniers qui se rassemblaient. La barque gagnait le large et le nageur, qu’elle laissait derrière elle, criait de toute sa force. Ses mouvements devenaient désordonnés et sa voix faiblissait. Pierre se sentit remué par les accents déchirants de cette créature vivante. L’instant d’avant il ne songeait qu’à mourir, maintenant il voulait sauver. Il s’élança vers la grève, sautant de rocher en rocher, essuya, en passant, plusieurs coups de feu, arriva jusqu’au rivage et, se précipitant dans la mer, il nagea vigoureusement vers l’homme qui se noyait.

À quelques centaines de mètres la barque s’était arrêtée. Les fraudeurs avaient disparu dans les broussailles de la colline, et, sur la mer polie comme un miroir, la lune versait sa froide et sereine lumière.