— C’est ce qui te trompe : je suis ouvrier… je fais de la peinture.
— Oh ! de la peinture fine et soignée alors !… Peut-être les figures d’hommes ou de femmes, qui regardent par les fausses fenêtres des villas ?… Peut-être les enseignes des magasins… Peut-être les madones des coins de rues ?…
— Justement, dit Pierre. Et si, dans ton pays, je trouve de l’ouvrage, je m’y fixerai pour quelque temps.
— Les Corses ne sont pas riches, dit le patron… Mais si tu veux donner un coup de badigeon au saint Laurent, qui est à l’avant du navire…
— Oui, certes, quand nous serons au port… Ce sera le prix de mon passage, si tu ne trouves pas que ce soit trop peu de chose.
— C’est nous qui sommes tes débiteurs, interrompit le contrebandier… Ce que tu feras pour le bateau, nous l’accepterons de bonne amitié, mais nous serons encore en reste avec toi.
— Voilà donc qui est entendu ! s’écria gaiement Pierre. Et peut-on savoir où nous allons de ce joli train ?
— À Bastia.
— Va pour Bastia, dit le peintre. Je n’ai pas de préférence. Et pourvu que nous ne gagnions pas le continent, tout ira bien.
— As-tu donc besoin de prendre l’air, loin de la France ? demanda le patron avec un curieux sourire.
— Très besoin.
— Est-ce que tu as fait quelque mauvais coup ?
— Un assez mauvais coup… Oui ! affaire d’amour !
Le contrebandier eut une moue dédaigneuse et Pierre comprit qu’il baissait dans l’estime du fraudeur. Mais, quoiqu’il ne fût arrivé à se faire considérer que comme un demi-malhonnête