Page:Okakura - Le livre du thé, 1927.djvu/138

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la première guirlande, l’homme primitif s’est élevé au-dessus de la brute ; en s’élevant ainsi au-dessus des nécessités grossières de la nature, il est devenu humain ; en percevant l’utilité subtile de l’inutile, il est entré dans le royaume de l’art.

Dans la joie ou dans la tristesse, les fleurs sont nos amies fidèles. Nous mangeons, nous buvons, nous chantons, nous dansons, nous fleuretons avec elles. Nous nous marions et nous baptisons avec des fleurs. Nous n’osons pas mourir sans elles. Nous avons adoré avec le lis, nous avons médité avec le lotus, nous avons chargé dans l’arroi des batailles avec la rose et le chrysanthème. Nous avons même essayé de parler la langue des fleurs. Comment pourrions-nous vivre sans elles ? Cela fait peur d’imaginer un monde veuf de leur présence. Quelle consolation n’apportent-elles pas au chevet du malade, quelle lumière de bénédiction aux ténèbres des esprits fatigués ? Leur sereine tendresse réconforte notre confiance faiblissante en l’univers, tout comme le regard attentif d’un bel enfant ressuscite nos espérances perdues.