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CONCLUSION

grande divinité, toujours la même, mais qu’à l’appel du poète et au gré de sa fantaisie, chacun des dieux, dont la personnalité s’obscurcit et s’efface, vient tour à tour se glisser sous cette enveloppe.

Les légendes que l’on conte de ces dieux et de leurs œuvres sont de nature fort variée : réminiscences historiques ; produits de pure imagination, sérieuse en général, éventuellement humoristique et même bouffonne ; mais surtout vieux mythes naturalistes, la bataille de l’orage, la conquête des vaches rouges de l’aurore qu’un ennemi tenait captives, le voyage des deux étoiles du matin et du soir en compagnie de la fiancée solaire. Le sens primitif de ces mythes, le Véda l’a oublié, ou du moins il ne s’en souvient qu’à demi : il n’y voit plus que des exploits héroïques et miraculeux ; souvent le tableau n’est plus qu’un chaos d’informes hiéroglyphes. Ordinairement le récit s’est réduit à un trait mince, à ses motifs les plus élémentaires : gigantesque vaillance récompensée par des conquêtes splendides ; victoire remportée, par force ou par ruse, sur un ennemi formidable ; salut apporté au plus profond de la détresse ; bien plus rarement, beauté et passion toute sensuelle. Aucune psychologie ; aucun soupçon de l’art qui sait relier entre eux, en un enchaînement cohérent et logique, les actes et les destins des personnages. Partout transparaît encore le style original de l’état de nature, style amorphe et bizarre, digne organe d’une imagination effrénée. Si quelque mythe antique, évoluant d’âge en âge, s’est mélangé d’éléments plus modernes, ce n’est point à une idée morale qu’il a prêté le voile de son symbolisme, mais surtout aux revendications cupides et franchement affichées d’un sacerdoce qui ne le cède à cet égard à aucun de ceux de l’Orient : la conquête des vaches rouges de l’aurore devient le succès remporté par les prêtres, qui veulent gagner des vaches, sur les avares qui entendent les garder par devers eux.

Le sacrifice offert aux dieux du Véda est celui qui convient à des tribus de pasteurs, initiées toutefois à maint raffinement d’une civilisation déjà assez ancienne. Il n’y a point