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UN SAUVETAGE

Suzanne leva les épaules pour dire :

— Qui sait !

On servit le café, les liqueurs et les cigares, sous la tonnelle du jardin. Maurice tantôt restait à causer avec les deux hommes, tantôt faisait le tour des pelouses avec les deux jeunes filles. Tout à coup :

— Je vais chercher vos lettres, murmura-t-il à Germaine.

Il se sauva sans qu’on le vit et quelques minutes après, il montait l’escalier un peu roide qui menait chez José.

— Cher Monsieur, lui dit-il, je suis assez content de vous, vous avez tenu votre promesse, vous avez disparu, ou presque.

— Oui, mais moi, je ne suis pas content.

— Comment ?

— Non. Je me suis laissé rouler, je me suis laissé faire.

— Ne revenons pas là-dessus. Vous m’avez écouté, vous avez bien fait.

— Non, je n’ai pas bien fait ; nous partions Germaine et moi, elle m’aimait…

À ce mot Maurice blêmit, serra les poings, se ramassa sur lui-même, puis se détendant comme un ressort, il se rua sur José et le saisit durement au collet et le secoua violemment. José aurait peut-être été plus robuste que Maurice mais la colère décuplait les forces de ce dernier et l’autre avait été surpris par cette attaque brusquée. Serré au cou, il faisait entendre des grognements inarticulés, et cependant il se débattait pour se délivrer de son adversaire et lui donnait quelques coups qui portaient.

Enfin Maurice se calma, le lâcha et fit un geste comme pour demander une trêve.

— Ne répétez plus ça, dit-il, je n’ai pas pu me contenir ; en voilà assez, mieux vaut nous entendre que nous battre : vous m’avez obéi, continuez ; je vous ai promis une compensation, je vous l’apporte.

— Voyons ?

— Vous connaissez Mme de Saint-Crépin ? Oui… je ne vous la dépeins pas. Comme femme, je n’en dis rien, mais elle est très riche. Ça vous intéresse. Sachez donc qu’elle est en mal d’amour et qu’elle me recherche d’une façon qui n’est pas équivoque. Mais ce n’est pas à moi particulièrement qu’elle en a : il lui faut un homme pourvu qu’il soit assez bien, et vous lui plairez encore mieux que moi. Je devais aller lui porter cette lettre, allez-y à ma place et