Page:Ollivier-Beauregard - Kachmir et Tibet.djvu/121

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Il y a dans cette affirmation de M. de Ujfalvy une singulière méprise, et son raisonnement triomphal, tout concluant qu’il soit en apparence, ne vaut pas mieux, au fond que le procédé curatif du pâtre Agnelet, qui, on le sait, tuait ses brebis pour qu’elles ne mourussent pas de la clavelée[1].

Toutefois, si bizarre qu’il soit, ce raisonnement mérite de fixer notre attention, à cause du fait monstrueux qu’il nous dénonce ; à savoir : que la terre est au Ladâk de si pauvre rendement qu’il y est de nécessité absolue, pour mettre la population en rapport numérique des maigres ressources alimentaires qu’elle fournit, de sacrifier méthodiquement quatre générations sur cinq.

Ce triste phénomène a des causes supérieures que ne nous a point dites notre collègue, et je vais tâcher de suppléer à son silence sur ce point.

II

M. de Ujfalvy nous a dépeint le Ladâk sous de bien tristes couleurs, mais il eût pu faire ces couleurs plus tristes encore sans sortir de la vérité.

Depuis plus de quarante ans, le Ladâk, auparavant très prospère, est, en un seul jour, devenu le pays de la désolation.

Ladâk est la dénomination régionale d’une partie du territoire du second Tibet ou petit Tibet[2].

Le Ladâk est compris entre le 74° et le 78° degré de longi-

  1. Théâtre de Brueys, t. III, l’Avocat Patelin, acte Ier scène vii.
  2. « Les indigènes du Ladâk, dit Pritchard, Natural History of Man, p. 217, relèvent, comme les Tibétains, de la famille tatare. Les traits de leur visage accusent ouvertement leur affinité avec les peuples de race mongole, tels que les Tongouses et les Kalmuks. »

    Les indigènes du Ladâk se donnent le nom de Bod-pa, qu’il faut prononcer Bot-pa. Ils parlent la langue tibétaine.

    Depuis l’année 1846, le Ladâk relève du gouvernement du mahârâdja du Kachmir.