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qui sont cultivées sont mal cultivées et les terres incultes aussi bien que les terres cultivées réclament des bras[1].

Ce qui fait la pauvreté des terres au Tibet, c’est l’insuffisance de sa population active. Et depuis des siècles déjà le Tibet aurait renoncé à la polyandrie, si la polyandrie n’avait pas, pour s’y perpétuer, des raisons que les gouvernants de cet intéressant pays n’avoueront jamais, parce que l’aveu qu’ils en feraient serait pour eux un suicide.

Au Tibet, il y a des villes entières, comme H’Lassa[2], sa capitale spirituelle, qui ne renferment que des couvents et des palais ; au Tibet toute la surface du pays, du nord au sud et de l’est à l’ouest, est pour ainsi dire couverte de couvents, couvents d’hommes, couvents de femmes[3].

C’est le lamaïsme bouddhique qui fait au Tibet l’insuffisance de la population[4] et la pauvreté du pays.

Plus de la moitié de la population est renfermée dans les couvents, et, circonstance à noter, cette population conventuelle est très inégalement répartie.

Les moines y sont en moins grand nombre que les religieuses. Un moine bouddhiste n’est pas le premier venu. Les règlements conventuels exigent beaucoup d’un bouddhiste qui aspire à devenir moine. Les épreuves préalables de sanctifi-

    36e degrés de latitude, mesure ainsi en étendue horizontale 600 lieues environ et en hauteur 200 lieues. Ce vaste pays ne compte que soixante villes, dit Klaproth, Magasin asiatique, t. II, p. 220, mais les couvents abondent.

  1. Une des causes de l’infertilité du sol au Tibet, c’est la sécheresse au temps chaud ; mais dans une contrée de montagnes, de montagnes neigeuses surtout, les ruisseaux ne manquent pas, et un aménagement, même tout primitif, des eaux de ces ruisseaux donnerait au sol arable l’humidité qui lui fait défaut. Cette observation abécédaire manque de bras pour devenir, au Tibet, un instrument de grande prospérité.
  2. H’Lassa ou L’Hassa signifie séjour de l’âme divine (Klaproth, Magasin asiatique t. II, p. 222). Je trouve encore cette étymologie : Lhà, dieu ; , terre ; terre de Dieu (Horace de la Penna di Billi, Notice sur le Tibet, 1730, p. 61.
  3. The Cabinet Gazetteer, p. 805 A.
  4. Quatre-vingt-quatre mille lamas, dit The Cabinet Gazetteer, vivent aux dépens de l’État dans les couvents, sans parler des lamas libres.