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Au royaume d’Ava, les Birmans des classes inférieures « ne se font pas de scrupule, dit le major Michel Symes, de vendre passagèrement leurs filles et leurs femmes à un étranger qui voyage dans leur pays. Cela n’est pas regardé comme un mal parmi eux et la femme n’en est pas déshonorée[1]. »

Dans ce même royaume d’Ava les lois contre les débiteurs sont d’une exigence et d’une dureté excessives. Comme à Couch du Béhar, mais plus cruellement encore, elles mettent le débiteur et sa famille à la merci du créancier en aggravant de la façon la plus fâcheuse la position des femmes.

« Suivant les lois du Pégu[2], le débiteur insolvable appartient à son créancier, dit le major Michel Symes, et d’honnêtes femmes, devenues esclaves pour des dettes dont l’origine leur est souvent inconnue, sont livrées par leur créancier à un vil proxénète qui trafique de leurs agréments[3]. »

Et ce n’est pas seulement la femme du débiteur qui suit le sort de son mari, les filles qu’il peut avoir viennent comme leur mère en appoint des exigences du créancier. Elles aussi sont vendues et, si elles sont belles, elles sont payées fort cher.

L’acheteur en fait la joie des passants ; et comme partout l’amoureux de la joie clandestine est, à l’heure de l’appétit, très facile à la bourse, au Pégu comme ailleurs, la ruine des uns fait la fortune des autres et ce n’est pas toujours la morale qui gagne à ce jeu de bascule.

Dans l’Inde brahmanique, les lois de Manou ont autorisé et organisé la génération directe par procuration.

Cette étrange dérogation aux lois de convenance et d’amour que préconise Manou est commandée à tous les Hindous brahmaniques par d’impérieuses exigences de conscience.

Tous les Hindous brahmaniques sont tributaires de la vie d’outre-tombe et des renaissances à intervenir suivant les

  1. Michel Symes, Relation de l’ambassade anglaise dans le royaume d’Ava, t. II, p. 17.
  2. Le Pégu n’est pas précisément une province du royaume d’Ava, mais il en relève politiquement.
  3. Michel Symes, Ambassade dans le royaume d’Ava, t. II, p. 16-17.