Page:Ollivier - L’Empire libéral, tome 13.djvu/128

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124 L’EMPIRE LIBÉRAL. une idée préconçue, une sympathie ou une anti- pathie entre son esprit et l’objet qu’il consi- dère. Les journalistes mêmes dont il gourman- dait les opinions, avaient un certain penchant pour cet homme d’église à la parole emportée, à l’invective facile, à l'affirmation prompte, qui, en les attaquant, leur ressemblait. Il avait dû la célébrité à son mérite certainement, mais aussi au bruit, à l’admiration des dévotes d’impor- tance, à la faveur des cercles politiques. .. La résolution réfléchie, la fermeté modeste, la fierté douce avec un air d’insinuation qui captivait, voilà ce qu’on lisait sur le visage de Mgr Darboy. Son àme forte, toutefois plutôt diplomatique qu’ecclésiastique, animait un corps frêle qu’elle ne faisait pas ployer. Quoique pieux, régulier, de mœurs exemplaires et très dévoué à ses devoirs épiscopaux, il tenait de Richelieu plus que de Vincent de Paul, et j’admire ce mys- tère de la destinée qui a élu pour martyr un prélat réservé, selon les apparences mondaines, à la gloire du politique dans l’Église ou dans l’État. Il était à un degré supérieur orateur et écrivain. Tout ce qu’il a dit ou écrit est d’un tour parfait, d’un souffle haut, plein, d’une clarté transparente, d’une dialectique animée, d’une justesse et d’un choix de termes exquis. L’ampleur lucide de la pensée communiquait à sa parole, malgré la faiblesse de ses moyens physiques, une autorité triomphante : en l’écou- tant on se sentait élevé à la région supérieure de l’intelligence et par la simplicité convaincue,