Page:Oncken - Œuvres économiques et philosophiques de F. Quesnay.djvu/106

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enfin elle doit avoir un terme ; et le moment terrible où, sur les bords du tombeau la vérité paraît vers nous pour nous découvrir toutes les illusions qui nous ont séduits, devint pour Quesnay le triomphe de son héroïsme.

Quelques heures avant sa mort, il n’y a plus d’espérance pour lui. L’alarme se répand ; sa famille le pleure déjà comme le meilleur des pères et le domestique qui le sert comme le meilleur des maîtres. Quesnay voit couler les larmes de ce dernier et veut en savoir la cause ; il l’apprend sans trouble, avec cette intrépidité et cette mâle assurance que donne une conscience à l’abri du reproche et des remords. Il lui répond : « Console-toi, je n’étais pas né pour ne pas mourir. Regarde ce portrait qui est devant moi ; lis au bas l’année de ma naissance, juge si je n’ai pas assez vécu… » Oui, grand homme, vous aviez assez vécu pour vous, pour votre gloire, mais pas assez pour le genre humain.

Le bon usage de la vie le préserva des horreurs de la mort ; ses derniers moments furent sans crainte ; il se mit entre les mains de la religion et mourut paisiblement le 16 décembre 1774.

Le collège de chirurgie a témoigné, d’une manière flatteuse, le cas qu’il faisait du mérite de Quesnay ; il a conservé son nom à la tête du tableau de ceux qui le composent et placé son portrait dans la chambre du conseil, parmi les portraits de ses membres célèbres : honneur qu’il n’a accordé, durant leur vie, qu’à Quesnay et à un homme doué du même génie que lui dans l’art de guérir.[1]

Que de titres capables d’assurer l’immortalité se réunissent en faveur de Quesnay ! Grand par ses écrits, grand par sa conduite, grand par les services qu’il a rendus à ses semblables, sa gloire sera éternelle et inaltérable. Il n’est plus cet homme bienfaisant, à qui antiquité aurait élevé des autels, ce législateur, ce philosophe, ce moraliste, ce génie universel, la lumière de son siècle l’oracle de la vérité, l’interprète de la vertu. Quesnay n’est plus… Que la critique brise ses traits ; que la malignité se taise et qu’on apprenne du moins à respecter la cendre des grands hommes que l’injustice épargne si peu de leur vivant.

  1. M. Petit (Note de l’original.)