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C’était en effet le seul dans lequel il pût s’instruire, car la vérité de l’histoire ne nous permet pas de dissimuler qu’à onze ans il ne savait pas encore lire : le premier livre qui lui tomba sous la main fut la Maison rustique de Liébaut, l’envie d’y puiser des connaissances fut presque son seul maître, et il parvint à le lire couramment, avec le peu de secours qu’il put tirer du jardinier de la maison.

Cette première lecture ne pouvait manquer de faire sentir à un esprit aussi droit que le sien quel fruit il pouvait tirer des ouvrages de ceux qui l’avaient précédé, et l’envie de s’instruire lui fit non seulement dévorer les livres écrits en sa langue qui se trouvèrent à sa portée, mais encore elle lui fit affronter toutes les épines de la grammaire : et il apprit, presque sans maître, le latin et le grec qui lui devenaient nécessaires pour puiser dans les trésors de l’antiquité.

On aurait peine à imaginer jusqu’où allait son ardeur : on l’a vu quelquefois partir de Mérey, au lever du soleil, dans les grands jours d’été, venir à Paris acheter un livre, retourner à Mérey eu le lisant, et y arriver le soir, ayant fait vingt lieues à pied et lu le livre qu’il était allé chercher ; l’extrême envie de s’éclairer faisait disparaître à ses yeux les fatigues et les désagréments d’un Voyage de cette espèce.

Il est aisé de juger combien des dispositions si heureuses de aient être agréables à son père, qui voyait alors en lui tout l’espoir de sa famille ; aussi ne cessait-il de l’animer : le temple de la vertu est, lui disait-il, appuyé sur quatre colonnes, l’honneur et la récompense, la honte et la punition : il n’était pas difficile de deviner celle que le jeune Quesnay choisirait pour s’appuyer, et sa conduite n’a laissé aucun doute sur ce chapitre.

Malgré les progrès rapides qu’il faisait dans la vaste carrière des sciences, il avait l’esprit déjà trop mûr pour ne pas apercevoir qu’il était impossible qu’un seul homme pût, s’il m’est permis de parler ainsi, mener de front toutes les connaissances humaines, et qu’il fallait absolument taire choix d’une seule science, à l’étude de laquelle il se pût consacrer entièrement. Le désir d’être utile à ses compatriotes le détermina en faveur de l’art de guérir, qui lui offrait à la fois un vaste champ pour acquérir des connaissances utiles et satisfaisantes et, ce qui touchait encore plus vivement son cœur vraiment ami de l’humanité, lui procurait des occasions sans nombre de rendre ces connaissances utiles à ses concitoyens.