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matières abstraites ; il s’égara et crut avoir résolu le fameux problème de la quadrature du cercle ; ses amis tirent ce qu’ils purent pour l’empêcher de publier cette prétendue découverte ; il fut toujours inflexible et la fit imprimer[1] ; nous ne pouvons nous dispenser d’avouer que ce fut une faute, et pourquoi ne l’avouerions nous pas ? nos éloges ne sont pas des panégyriques, et une faute de cette espèce, qui ne peut être attribuée qu’à l’affaiblissement de génie qu’amènent nécessairement le grand âge et les longs travaux, trouve son excuse dans sa propre cause, et n’intéresse que bien peu sa gloire.

L’âge, cependant, de M. Quesnay s’avançait toujours, et son corps s’affaiblissait visiblement ; les douleurs de la goutte qui le tourmentait depuis sa jeunesse, devinrent plus aiguës et presque

  1. En Allemagne, il est en général admis que ces recherches n’ont pas été publiées. Ainsi G. Kellner, dans son livre, „Zur Gechichte des Physiocratismus“ (Göttingue 1847), dit, p. 25 : „Vainement ses amis se sont efforcés d’empêcher la publication de cette découverte problématique. Ce qu’ils n’avaient pas pu faire, la mort l’a fait.“ De même Laspeyres (art. : Quesnay, Turgot und die Physiokraten, dans le „Staat.swôrterhuch“ de Bluntschli) dit : „Dans les dernières années de sa vie, il croyait avoir trouvé la quadrature du cercle, et la mort l’a seule empêché de publier cette prétendue découverte.“ Ceci n’est toutefois pas exact. Une année avant sa mort ont paru, sous le voile de l’anonyme, il est vrai, les „Recherches philosophiques sur l’évidence des vérités géométriques“ (in-8o 1773) ; dans cette publication il annonçait au monde sa découverte, ce qui a fait un grand chagrin à ses amis. „C’est bien là le scandale des scandales, dit Turgot, en parlant de cet ouvrage ; c’est le soleil qui s’encroûte.“ (Voir G. Schelle, Dupont de Nemours et l’école physiocratique, Paris 1888, page 124.) Nous avons parcouru le livre, et nous n’y avons découvert en aucune façon la faiblesse d’esprit de laquelle il aurait été, dit-on, le résultat. Tout bien considéré. Quesnay reste fidèle, dans cet ouvrage, à sa manière de voir manifestée aussi en matière économique. Dans le Tableau économique, il croyait avoir trouvé la pierre philosophale pour la vie sociale de l’humanité. Était-il étonnant qu’il cherchât la quadrature du cercle dans la géométrie ? La bibliothèque nationale de Paris possède encore un opuscule intitulé „Polygonométrie“ et dans lequel on reconnaît facilement l’auteur des „Recherches philosophiques“. C’est un in-4o sans doute imprimé comme manuscrit et destiné à être soumis, avant sa publication, au jugement de quelques amis et spécialistes. L’exemplaire dont il s’agit porte quelques notes marginales relatives au sujet traité, ainsi qu’une mention que l’opuscule a été écrit par Quesnay. Il est probable que celui-ci faisait souvent tirer de semblables épreuves à l’imprimerie du château royal, et que le coût de ce travail était ensuite porté au compte du roi. C’est de là qu’a pu naître la fable que ces mémoires ont été imprimés sur l’ordre exprès du roi. — Comparer la note 1. page 125. A. O.