Page:Oncken - Œuvres économiques et philosophiques de F. Quesnay.djvu/77

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Ce fut là qu’il commença à déployer son zèle, et qu’il en montra tout le désintéressement. Quesnay était doué de cette généreuse sensibilité qu’il faut avoir pour en sentir tous les charmes. La misère du peuple, au milieu duquel il vivait, offrait sans cesse à ses yeux un spectacle attendrissant, auquel il ne refusa jamais des larmes. Cette fraternité, lien solide et principal du système d’économie dont il fut depuis l’inventeur et le père, cet amour pour le bien de ses semblables indistinctement, le portaient naturellement aux entreprises les plus pénibles et les plus difficiles. Les secours de son art étaient prodigués à tous ceux qui les imploraient, dans tous les lieux, dans tous les temps, malgré l’intempérie de toutes les saisons. Toujours heureux du bonheur des autres, ses veilles, ses travaux, ses recherches continuelles, n’eurent jamais d’autre but. Loin de courir après la gloire, ce brillant fantôme qui éblouit constamment les hommes ordinaires, Quesnay se proposait de mener une vie retirée et obscure. S’il fut jaloux de se perfectionner dans son art, ce ne fût dans d’autres vues que dans celles de l’exercer avec plus de sûreté pour ceux qui avoient recours à lui.

Cependant les succès multipliés sous sa main, étendirent sa réputation et lui méritèrent la place de Chirurgien de l’Hôtel-Dieu de Mantes. Appelé de tous côtés pour les maladies les plus graves, à peine suffisait-il à la confiance que le public lui témoignait.

Quesnay n’était encore connu que sur ce petit théâtre ; et satisfait du bien qu’il y faisait tous les jours, il n’ambitionnait pas davantage, quand un événement inattendu lui fournit l’occasion de mettre au grand jour des talents plus éclatants encore, et fixa sur lui les regards de l’Europe savante… En 1727 M. Silva qui passait pour le plus habile médecin que l’on connût alors, publia un traité de la saignée. Cet ouvrage, orné d’un beau style, enrichi de calculs en apparence profonds et d’observations ingénieuses sur une matière peu familière au public, eut le succès le plus brillant. Quesnay le lut, et trouva que les principes en étaient totalement contraires à ceux qu’il s’était formés par les études, et qu’avait confirmés son expérience. Il jugea que les conséquences en pouvaient être dangereuses pour l’art de guérir, et résolut de le combattre. Cependant au moment de lutter contre un homme de la plus haute réputation, et qui jouissait des premières places, il ne pût se défendre de quelques inquiétudes : il repassa avec la plus grande sévérité tous les principes de ses connaissances sur la ma-