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Page:Opuscules de Saint Thomas d’Aquin, tome 2, 1857.djvu/314

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mais seulement la nature en général. Car rien n’empêche, si deux choses sont unies dans un objet, que l’une d’elles puisse arriver aux sens sans l’autre; ainsi la couleur du miel ou d’un fruit peut frapper les regards, sans que le goût soit affecté de leur saveur.

C’est donc une même chose qui est conçue par vous et par moi, mais elle l’est autrement par vous et autrement par moi, c’est-à-dire par une autre idée intelligente; autre est l’acte de mon intelligence, autre est celui de votre intelligence, autre est mon intellect, autre est le vôtre. C’est ce qui fait dire à Aristote qu’il y a une science particulière quant au sujet, comme on dit que la connaissance de la grammaire qu’a une personne est dans son esprit, mais non dans sa personne. En sorte que quand mon intellect sent qu’il comprend, il a l’idée d’un acte personnel et singulier, mais quand il voit simplement comprendre, il conçoit quelque chose en général, car l’individualisation ne répugne pas à l’intelligibilité, mais seulement la matérialité. Or comme il y a des individualités immatérielles, comme nous l’avons dit plus haut, des substances séparées, rien n’empêche de concevoir de telles individualités. On voit de là comment la même science peut être dans le disciple et le maître. Elle est la même quant à l’objet connu, mais non quant aux idées intelligibles, par lesquelles la science arrive à l’esprit de l’un et de l’autre. Sous ce rapport, la science est individualisée en vous et en moi, et il n’est pas nécessaire que la science qu’a le disciple lui soit donnée par le maître, comme l’eau reçoit la chaleur du feu, mais comme la santé qui est dans un remède, de la santé qui est dans l’idée du médecin. Car, de même qu’il y a dans le malade un principe naturel de sauté, auquel le médecin donne des moyens pour perfectionner