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temps aux hommes, sur tout s’il se trouve par malheur ou par leur peu de methode, qu’ils n’en soyent pas fort soulagés, ce qui les feroit retomber un jour ⟨ de la curiosité ⟩ dans l’indifference et enfin dans l’ignorance. Cependant il est constant que ⟩ les Mathematiques, ⟨ qui sont le chef-d’œuvre du raisonnement humain ⟩, ne sont jamais allé si loin et si la Medecine n’avance pas encor à proportion des belles observations de physique, il ne tient peut estre qu’à un bon ordre, que les souverains y pourroient mettre ⟨ àfin de faire un peu mieux valoir les avantages que le genre humain a déjà eus sur la nature ⟩. L’Histoire civile et tout ce qu’on appelle les belles lettres, se trouve mis dans un grand jour. Et quoyque ce qu’on peut tirer des Grecs et Latins ne soit pas encor entierement epuisé, et qu’il y ait de quoy faire des beaux spicileges, on peut neantmoins asseurer que le principal est éclairci. Depuis quelque temps on travaille à l’Histoire du moyen-aage, on tire des layettes des Archifs et de la poussiere des vieux papiers, quantité de croniques, de diplomes, et de mémoires servans à éclaircir les origines, les changemens et les demelés des souverains. Dans peu il faudra aller fouiller chez les Chinois et Arabes, pour achever l’Histoire du genre humain, autant qu’on la peut tirer des monumens qui nous restent, soit par écrit, soit sur des pierres ou metaux, soit même dans la memoire des hommes, car il ne faut pas négliger entierement la tradition ; et je tiens que de tout ce qui est non-écrit les langues mêmes sont les meilleurs ⟨ et les plus grands restes significatifs ⟩ de l’ancien monde, dont on pourroit tirer des lumieres pour les origines des peuples et souvent ⟨ pour celles ⟩ des choses[1]. Je sçay que plusieurs philosophes et Mathematiciens se moquent de ces recherches des faits mais on voit de l’autre costé que les gens du monde ⟨ n’aiment ordinairement que l’étude de l’Histoire, et ⟩ meprisent ou laissent aux gens du mestier tout ce qui à l’air d’un raisonnement scientifique ; ⟨ et je croy qu’il y a de l’excés dans ces jugemens de part et d’autre ⟩. L’Histoire seroit d’un grand usage, quand elle ne serviroit qu’à entretenir les hommes dans le desir de la gloire, qui est le motif de la pluspart des belles actions ; et il est seur que le respect que les souverains mêmes ont pour le jugement de la postérité, fait souvent un bon effect. Je veux que [souvent] l’Histoire tienne ⟨ quelques fois ⟩

  1. Voir La Logique de Leibniz, p. 159 et notes.