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AU PAYS DE RENNES

avaricieuse qui faisait tant travailler son pauvre homme et le nourrissait si mal, que le malheureux mourut à la peine.

Quand il fallut l’ensevelir, elle le mit elle-même dans le drap usé, troué et sale dans lequel le défunt avait succombé.

L’enterrement fut vite fait et la vieille rentra chez elle pour se remettre à filer, ne voulant pas perdre de temps. Son unique passion consistait à économiser sur sa mangeaille et ses hardes quelques pièces de monnaie qu’elle ramassait dans un bas caché dans la paillasse de son lit.

Un soir très tard, qu’elle filait à sa fenêtre, au clair de la lune, pour ne pas brûler sa rousine, elle se mit à trembler de tous ses membres en regardant dans le cimetière situé sous sa fenêtre, car vous savez qu’à Chantepie le cimetière entoure l’église, et les maisons entourent le cimetière. Grand Dieu ! ce qu’elle avait sous les yeux était bien propre à l’effrayer : elle vit sortir de terre, à l’endroit où il avait été enterré, son bonhomme enveloppé dans son drap sale et troué qui se dirigeait vers son ancien gîte.

Elle n’eut pas la force de bouger, elle était quasiment paralysée. Un bruit de pas se fit entendre sur les marches de l’escalier, la porte s’ouvrit et un squelette s’approcha d’elle, qui se débarrassa de son drap et le lui jeta aux pieds.

« Méchante avaricieuse ! s’écria-t-il, voilà ton drap. Tes journées ne suffiront pas désormais pour le raccommoder, et tes nuits se passeront à le laver dans la mare de Cucé. »