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AU PAYS DE RENNES

laissé longtemps après eux le souvenir de leur bonté et de leurs bienfaits n’eurent pas une existence heureuse. Au début de leur ménage ils désirèrent longtemps un enfant que le ciel semblait vouloir leur refuser. Après de nombreux voyages et pèlerinages leur vœu ne se réalisant pas, Yves alla consulter une sorcière de la forêt de Fougères appelée par les uns Margot et par les autres la Chatte-noire. Elle annonça au seigneur du Plessis-Pillet qu’avant un an il serait père, malheureusement pour lui, car ce fils tant souhaité ne causerait que du deul[1] à ses parents.

De retour chez lui le sire de Cangé apprit à sa femme la prédiction de la sorcière, se gardant bien de lui parler du malheur qui les menaçait.

Cette heureuse nouvelle remplit de joie tout le pays.

Quand la châtelaine ressentit les douleurs de l’enfantement, les vassaux vinrent, sans être commandés, battre les eaux de l’étang avec de grandes gaules pour faire taire les grenouilles. C’était alors l’usage d’empêcher les cris discordants de ces bêtes de parvenir jusqu’aux oreilles des grandes dames nouvellement accouchées.

Quel ne fut pas l’étonnement des paysans en entendant, malgré le bruit qu’ils faisaient, les grenouilles coasser plus fort que jamais et se laisser plutôt assommer que de cesser leur tapage. Ces braves gens n’avaient jamais ouï parler de choses semblables et s’en allèrent effrayés, redoutant un malheur.

  1. Chagrin.