Page:Oraison funèbre de très haute et puissante Dame, Madame Justine Pâris, 1884.djvu/46

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compte, jour par jour, nuit par nuit, de toutes les personnes qui entraient chez elle et de ce qui s’y passait.

Il ne m’a pas été possible, de voir ce fameux livre ; j’employai tous les moyens ; j’allai jusqu’à solliciter le président de la Tournelle lui-même. Il n’y eut pas moyen de le vaincre ; il se retrancha sur la gravité de son ministère, qui lui imposait la plus grande réserve sur cet article. Mais je vais t’en dédommager en te faisant l’histoire de cette pièce réellement très-curieuse.

Pour en connaître l’importance, il faut que tu saches, frère Eustache, que les bordels de la Capitale des Welches sont d’institution politique. Les matrones qui y président, par essence espionnes de la police, tiennent un registre exact de toutes les personnes qui viennent chez elles, et entrent à cet égard dans les détails les plus particuliers qu’elles peuvent apprendre. Tu sens, ami Eustache, combien ils doivent être amusans.

C’est sous le feu Roi, Louis XV, et surtout à la fin de son règne, que cet historique du libertinage de la Capitale des Welches, était fort recherché.

On prétend que c’est la trop fameuse Marquise de Pompadour qui, pour dissiper l’ennui de son auguste Amant, avait imaginé cette scandaleuse Gazette.

Le magistrat chargé de cette partie en dernier lieu (M. de Sartine) y donnait une attention particulière : il occupait journellement un Secrétaire de confiance très-intime, à rédiger de ces divers matériaux, un journal galant et luxurieux. Tu sens aisément, l’ami, que le Monarque et sa maîtresse en fesaient leurs plus chères délices ; tu conçois combien cette impu-