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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

événements récents. Mais, par ce temps de guerre, ma correspondance aurait pu paraître suspecte ; plongé tout entier dans les affaires de la cour au milieu des conseillers du roi, mêlé à des occupations assez sérieuses, détourné ailleurs par les affaires publiques et privées, il était moins en mon pouvoir d’écrire, et, en même temps, je pensais que cela ne m’était pas permis, surtout à Genève, où nos ennemis chantaient déjà leur triomphe mais avant la victoire, suivant le proverbe. Je vous avais adressé Jacques d’Illins[1] pour vous parler et vous conter toutes nos affaires. J’ignore par quelle négligence ou par quel empêchement la chose n’a pu se faire. Il n’y a donc pas de raison pour que vous doutiez que j’aie pu vous oublier un instant. Vous avez tant de bonté pour moi, votre libéralité envers notre cher fils est tellement grande que toujours vous serez pour moi le premier, le plus respectable et le plus digne des amis. Vous désirez connaître ma position : et bien, je suis certainement riche des promesses du roi et des autres princes, mais tout ce bel avenir va, pour la plus grande partie, m’être enlevé par la guerre avant d’en jouir.

Ma femme, votre commère, vous salue et vous souhaite une heureuse santé. Portez-vous bien, ainsi que toute votre maison.

Lyon, le 22 novembre, écrit à la hâte.


XXXII
Un ami à Agrippa[2].

Lompnes, année 1524.

Nous avons appris par Jacques d’Illins, notre commun ami, que vous veniez d’être, non sans avantage, enrôlé parmi les pensionnaires du roi. Aucune nouvelle, croyez-moi, ne pouvait nous être plus agréable. Nous nous réjouissons beaucoup de cette faveur de la fortune ; elle n’est pas, à la vérité, encore à la hauteur de vos vertus, mais elle se trouve on ne peut plus opportune.

Nous ne nous en félicitons pas moins pour le monde des études : les savants jusqu’à ce jour ont été en proie aux injustices du sort, et leur ciel est obscurci par les nuages de l’infortune. Votre bonheur présent est d’un bon présage de temps plus heureux. Nous avouons que la pensée dont Platon exprimait autrefois le désir paraît atteindre à un but pratique, c’est-à-dire que les sages soient rois ou que les rois soient sages. Il n’y a pas en effet de différence entre leur pouvoir et leurs conseils pour le gouvernement de la République.

  1. C’était l’oncle maternel de Jeanne-Loyse Titié, la seconde femme d’Agrippa.
  2. Cette lettre est probablement de François Bonisard, né à Seyssel en 1493 et mort à Genève sur la fin de 1570. Bonivard fut un des adversaires les plus ardents de Genève contre le duc de Savoie et, avec Berthelier, il fut l’un de ceux qui essayèrent de soustraire Pécolat à la mort, et qui voulaient la combourgeoisie avec Fribourg, ce que le duc voulait éviter à tout prix.