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COLNA-DONA

suivaient en chantant. Trois boucliers étaient portés devant nous ; car nous allions ériger la pierre en mémoire du passé. Près des rives moussues du Crona, Fingal avait dispersé ses ennemis ; il avait fait reculer les étrangers, comme une mer troublée. Nous arrivâmes à ce lieu de renommée. La nuit descendit des montagnes. J’arrache un chêne de la colline, une flamme s’en élève et je prie mes ancêtres de nous regarder du haut de leurs palais de nuages, car ils se réjouissent dans les airs de la gloire de leur race.

Je prends, au chant des bardes, une pierre dans le torrent. À ses herbes limoneuses pendait encore le sang des ennemis de Fingal. Je place sous cette pierre, à distances égales, trois bosses de boucliers ennemis, tandis que monte ou descend la cadence du chant nocturne d’Ullin. Toscary pose un poignard et une cotte d’armes d’acier. Nous amoncelons de la terre autour de cette pierre et nous lui ordonnons de parler aux années futures.

« Verte fille du torrent, ô pierre qui maintenant t’élèves sur la terre, parle aux faibles quand la race de Selma se sera éteinte. Abrité ! d’une nuit orageuse, le voyageur se couchera sous tes flancs, ta mousse bruissante frémira dans ses songes et les années qui ne sont plus reviendront à sa pensée. La bataille se lèvera devant lui ; il verra les rois aux boucliers bleus descendre au combat, et la lune obscurcie regarder du haut du ciel sur la plaine agitée. Avec le matin il s’éveillera de ses songes et verra autour de lui les tombes des guerriers. Il demandera quelle est cette pierre, et les vieillards lui diront : « Cette pierre grisâtre fut élevée par Ossian, un chef des autres temps. »

De Col-amon vint un barde envoyé par Car-ul, l’ami des étrangers. Il nous convia à la fête des rois dans la demeure de la belle Colna-dona. Nous al-