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LA GUERRE DE CAROS

Cent chênes flamboient dans les airs : une lumière tremblante s’étend sur la bruyère. Les fantômes de l’Ardven traversent cette lueur et montrent dans l’éloignement leurs formes indéfinies. Comala se voit à moitié sur son météore ; Hidallan est triste et sombre, comme la lune obscurcie derrière le brouillard de la nuit.

« Pourquoi es-tu triste ? lui dit Ryno, car lui seul apercevait le chef. Pourquoi es-tu triste, Hidallan ? N’as-tu pas reçu ta part de renommée ? Les chants d’Ossian se sont fait entendre ; et ton ombre a rayonné sur les vents, lorsque tu t’es penché de ton nuage pour écouter la voix du barde de Morven ! » — « Et tes yeux, dit Oscar, aperçoivent donc ce chef, pareil à l’obscur météore de la nuit ? Raconte-nous, Ryno, comment tomba Hidallan, si célèbre dans les jours de mes pères ! Son nom est encore sur les rochers de Crona et j’ai vu souvent les torrents de ses montagnes ! »

Fingal, reprit le barde, bannit Hidallan du champ de ses guerres. L’âme du roi était triste pour Comalsy et ses yeux ne pouvaient supporter la vue de ce chef. Triste et solitaire, le long de la bruyère il s’en alla lentement et à pas silencieux. Ses armes pendaient en désordre à ses côtés. Ses cheveux détachés flottaient sur son front. Dans ses yeux baissés est une larme, dans son sein un soupir à moitié étouffé ! Trois jours il erra seul et sans être vu, avant d’arriver à la demeure de Lamor ; la demeure couverte de mousse de ses aïeux, près du torrent de Balva. Seul, Lamor était assis sous un arbre, car il avait envoyé son peuple avec Hidallan, à la guerre. Le torrent courait à ses pieds, sa tête grise était appuyée sur son bâton. Sans regards étaient ses yeux vieillis. Il murmurait les chants des temps passés. Le bruit des pieds d’Hidallan arrive à son oreille : il reconnaît les pas de son fils.