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LA GUERRE DE CAROS

Ses guerriers, sur le Crona, entendirent le bruit du combat. Ils se précipitent comme cent torrents ; l’armée de Caros prend la fuite : Oscar reste sur la plaine comme un rocher qu’abandonne la mer qui se retire.

Maintenant, avec tous ses coursiers et dans toute sa force, Caros s’avance, sombre et profond comme un torrent : les ruisseaux se perdent dans son cours, la terre tremble à son passage. La bataille s’étend d’une aile à l’autre ; dix mille épées à la fois étincellent dans l’air. Mais pourquoi Ossian chanterait-il les batailles ? Jamais plus mon épée ne brillera dans les combats ! Je me rappelle avec douleur les jours de ma jeunesse, lorsque je sens la faiblesse de mon bras. Heureux ceux qui tombèrent dans leurs jeunes années, au milieu de leur renommée ! Ils n’ont point vu les tombes de leurs amis ; ils n’ont point manqué de force pour bander l’arc de leur jeunesse. Heureux es-tu, ô Oscar, sur tes vents impétueux ! Souvent tu visites les chants de ta gloire, où Caros a fui devant ton épée levée.

Les ténèbres descendent sur mon âme, ô belle fille de Toscar ! Je ne vois plus la forme de mon fils près du Carun ; je ne vois plus sur le Crona la figure d’Oscar. Les vents l’ont emporté loin de moi, et triste est le cœur de son père ! Mais conduis-moi, ô Malvina, près du murmure de mes bois, près du mugissement des torrents de mes montagnes. Que la chasse se fasse entendre sur Crona ; laisse-moi rêver aux années qui ne sont plus. Porte-moi la harpe, ô ma fille, que je la puisse toucher lorsque se lèvera la lumière de mon âme. Approche-toi alors pour apprendre les chants ; les siècles à venir entendront parler de moi ! Un jour les fils des faibles élèveront leur voix sur Cona ; et, portant les yeux sur ces rochers, ils diront : « C’est ici que demeurait Ossian. » Ils admireront la race qui n’est plus, les chefs des