Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/313

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dans le danger. L’armée d’Érin s’approche : le roi de Selma est seul. Tu ne seras pas seul, ô mon père ! tant que je pourrai lever la lance !

Couvert de toutes mes armes je me levai et je prêtai l’oreille aux vents de la nuit. Le bouclier de Fillan ne se faisait point entendre : je tremblai pour le fils de Fingal. L’ennemi serait-il venu pendant la nuit ? Le guerrier aux cheveux bruns aurait-il succombé ? » Dans l’éloignement s’élève un murmure sourd, semblable au bruit du lac de Lego, quand ses ondes se resserrent aux jours de la gelée et qu’on entend craquer les glaces qui se brisent : le peuple de Lara lève les yeux au ciel et prévoit la tempête. Je m’avance sur la bruyère ; la lance d’Oscar est dans ma main. D’en haut regardaient les rouges étoiles et je brillais dans l’ombre de la nuit. Je vis devant moi Fillan, se penchant en silence sur le rocher du Mora. Il écoutait les cris de l’ennemi et la joie se levait dans son âme. Il entendit le bruit de mes pas et tourna sa lance contre moi.

« Fils de la nuit, viens-tu avec la paix, ou viens-tu affronter ma colère ? Les ennemis de Fingal sont les miens. Parle ou redoute ce fer. Je ne suis point en vain le bouclier de la race de Morven ! » — « Et puisses-tu ne l’être jamais en vain, ô fils de Clatho aux yeux bleus ! Fingal commence à être seul. Les ténèbres s’amassent sur les derniers de ses jours ; mais il a deux fils qui doivent briller dans la guerre, qui doivent être deux rayons de lumière pour éclairer le départ de sa vie. »

Fils de Fingal, répondit le jeune guerrier, je ne lève la lance que depuis peu de temps encore ; mon épée n’a point encore laissé de traces sur le champ des batailles ; mais mon âme est de feu ! Les chefs de Bolga[1] se pressent en foule autour du bouclier

  1. La partie méridionale de l’Irlande porta quelque temps