Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/346

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et que j’entende la voix. Fils d’Alpin, touches-en les cordes ; c’est à toi de réveiller l’âme du barde. Le murmure du torrent de Lora a roulé loin de moi la mémoire de mes chants. Je suis au milieu du nuage des années : il n’ouvre sur le passé que de rares perspectives, et encore quand la vision arrive, n’est-elle qu’obscure et confuse. Je t’entends, harpe de Selma, et mon âme revient, comme une brise que le soleil ramène dans la vallée où séjournerait le brouillard paresseux !

Le Lubar brille devant moi dans tous les détours de sa vallée. De chaque côté, s’élèvent, sur leurs collines, les tailles majestueuses des rois. Leurs guerriers répandus autour d’eux se penchent pour les écouter, comme si leurs pères leur parlaient en descendant des airs. Au milieu d’eux, les rois ressemblent à deux rochers, lorsqu’on voit dans les déserts, au-dessus des brouillards épais, s’élever leurs têtes noires de sapins : de leurs fronts escarpés les torrents jaillissent et répandent leur écume au souffle des vents.

À la voix de Cathmor, Érin se répand avec un bruit semblable à celui des flammes. L’armée se déploie et descend vers le Lubar. Foldath marche devant elle. Cathmor, sous un chêne incliné, se retire sur sa colline. Près de lui un torrent roule ses eaux écumantes ; il lève par instants sa lance étincelante : c’était, dans la guerre, une flamme aux yeux de son armée. Près de lui, appuyée sur un rocher, se tenait la fille de Conmor. Sa joie n’est point dans les combats, son âme ne se plaît point dans le sang. Derrière la colline s’étend une vallée verte qu’arrosent trois bleus torrents. Là, le soleil se repose en silence ; là, les chevreuils descendent de la montagne : c’est sur eux que se tournent les yeux de la pensive Sul-malla.

Fingal sur la colline aperçoit Cathmor, fils de Bor-