Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/353

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taille. Alors s’élèvent les cent voix de la mort, « Arrête, fils de Fingal, suspends ta course ! ne vois-tu pas cette forme étincelante, terrible présage de mort ? Du roi d’Érin n’éveille point le courroux ! Reviens, fils de Clatho aux yeux bleus ! »

Malthos voit Foldath abattu. Tristement il se penche sur le héros et la haine s’éloigne de son âme : il ressemblait au rocher du désert, des flancs noirs duquel l’eau tombe goutte à goutte quand le brouillard s’en est lentement retiré, et que tous ses arbres sont flétris par les vents. Il interroge le héros mourant sur sa dernière demeure : « Ta pierre grise s’élèvera-t-elle dans Ullin ou dans le pays boisé de Moma, où le soleil ne regarde qu’en secret les ondes bleues du Dalrutho ? C’est là que demeure ta fille, Dardu-lena aux yeux bleus ! »

« Me la rappelles-tu, répondit Foldath, parce que je n’ai point de fils, point de jeune guerrier pour rouler les ennemis devant lui, en vengeance de moi ? Malthos, je suis déjà vengé ! Dans le combat je n’étais pas inactif. Élève autour de mon étroite demeure les tombeaux de ceux que j’ai tués : souvent j’abandonnerai les vents pour me réjouir sur leurs tombes, en les voyant autour de moi dispersées et couvertes de longues herbes sifflantes. »

Son âme s’envola vers les rêves de Dardu-lena, dans la vallée de Moma, où, de retour de la chasse des chevreuils, elle dormait près du torrent de Dal-rutho. Son arc détendu est près de la jeune fille, et la brise couvre son sein de sa longue chevelure : vêtue de la beauté de la jeunesse reposait l’amour des héros. Sombre et se penchant vers elle, son père blessé semblait sortir de la lisière du bois ; tantôt il se montrait, et tantôt il se cachait dans le brouillard. Fondant en larmes, elle se leva ; elle savait que le chef n’était plus. Sur elle descendit un rayon de son âme, tandis qu’elle se repliait dans son