Page:Ossip-Lourié - La Psychologie des romanciers russes du XIXe siècle.djvu/146

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charov fut attaché comme secrétaire à l’expédition de l’amiral Poutiatine, fit le tour du monde et raconta plus tard ses impressions de voyage dans un livre intitulé : La frégate Pallas (1856). En dehors de ses trois romans, il publia un certain nombre d’études de critique et des Souvenirs[1].

Célibataire, Gontcharov menait une vie tranquille, douce, calme, en dehors de tout mouvement d’idées. Après sa mort, il laissa — 1891 — tout son bien, y compris sa propriété littéraire, à son vieux valet de chambre.

Dès l’apparition d’Histoire ordinaire, Biélinsky, le dieu de la critique et le dispensateur de la renommée, proclama Gontcharov grand artiste « capable de faire refléter dans son œuvre ses impressions fortes et personnelles ».

Gontcharov, suivant Biélinsky, ne peint les personnages, les scènes, les caractères que pour satisfaire sa puissance, son besoin de peindre. Il laisse le lecteur tirer tout seul des conclusions. En d’autres termes, Biélinsky reconnaît en Gontcharov un disciple fidèle de l’Art pour l’Art.

L’Art pour l’Art est la base de l’œuvre de Gontcharov. Cette formule a fait couler en Russie beaucoup d’encre et a inspiré des phrases sonores, sans qu’on aboutisse, naturellement, à une conclusion précise. Dans la littérature russe, — nous parlons du roman — Gontcharov est le seul écrivain qui s’adonna corps et âme à la réalisation de la théorie de l’Art pour l’Art : l’Art est son propre but à lui-même, indépendamment de toute considération de valeur morale ou d’utilité sociale. L’art ne doit pas être jugé bon ou mauvais selon le sujet et la matière qu’il traite. Le sujet est la chose accessoire ; la manière dont il est traité,

  1. Œuvres complètes, en 9 volumes. Saint-Pétersbourg, 1896.